Mercredi 22 février 2023, LE GRAND ENTRETIEN reçoit Christophe Luttmann (Directeur commercial, DrillHeat) et Jean-Loup Lacroix (PDG, Stratégéo Conseil)


STRATEGEO / DRILLHEAT : cinq questions à Jean-Loup LACROIX et Christophe LUTTMANN

DrillHeat est une société de travaux spécialisée dans le forage et l’installation de sondes géothermiques verticales. Stratégéo Conseil est un Bureau d’étude conseil dans la mise en œuvre de solutions de géothermie à l’échelle d’un ou plusieurs bâtiments et d’un quartier. Ces deux sociétés ont un point commun : la géothermie.

Que proposent vos sociétés ? Quelles sont leurs histoires ?

DrillHeat est une société de travaux spécialisée dans le forage et l’installation de sondes géothermiques verticales. Dernière-née du groupe Arverne, DrillHeat a vu le jour au mois de mars 2022. C’est une PME qui vise déjà 5 millions de CA à la fin de l’année 2023 et 10 millions sur l’exercice 2024. Le groupe Arverne est une entreprise à mission selon la loi Pacte, sa raison d’être est déclinée dans l’ensemble de ses filiales : « Par son savoir-faire unique, le groupe Arverne libère le potentiel des géo-ressources et les valorise durablement pour une transition énergétique pragmatique au service de la prospérité des territoires ». La décarbonation au cœur des territoires est donc naturellement un sujet primordial pour DrillHeat.

STRATEGEO CONSEIL est quant à elle, un Bureau d’étude conseil dans la mise en œuvre de solution de géothermie à l’échelle d’un ou plusieurs bâtiments et d’un quartier. Créée en 2016, nous sommes 23 salariés sur 3 agences et nous accompagnons nos clients pour concevoir des solutions bas carbone et vertueuses pour l’avenir. Nous intervenons dès la phase de programmation pour permettre de valoriser le potentiel géothermique du site et nous suivons la conception et le suivi des installations jusqu’à leur mise en service.

On parle beaucoup de géothermie de surface ces derniers mois, mais qu’est-ce que c’est concrètement et peut-on en faire partout ?

La géothermie de surface consiste simplement à venir puiser l’énergie présente à 0-200 m gratuitement et de venir chauffer ou rafraîchir un bâtiment/process au-dessus à l’aide d’une pompe à chaleur géothermique. Cette pompe à chaleur (comme un réfrigérateur) joue juste le rôle d’amplificateur de cette énergie en ne consommant que très peu d’énergie grâce à une température du sous-sol constante toute l’année et à une inertie de celui-ci 2 000 à 3 000 fois supérieur à l’air extérieur. Aujourd’hui, il existe plusieurs formes de captage géothermique (la nappe, les sondes verticales, les géostructures, les corbeilles…), ce qui permet d’adapter la solution à toute typologie de bâtiment. Ainsi, pour une maison individuelle, il faudra privilégier des corbeilles ou murs géothermiques, pour le petit bâtiment communal ou de logements, des sondes verticales et pour un bâtiment plus imposant, la solution sur nappe peut être plus adaptée et performante. A l’échelle d’un quartier, il suffira d’augmenter le nombre d’ouvrages pour augmenter la capacité de la géothermie.

En quoi la géothermie est un enjeu majeur face au changement climatique et à la crise actuelle ? Où en est-on ?

La dérive climatique a montré l’importance de décarboner notre société. L’abaissement des GES dans la gestion des systèmes de chauffage et de climatisation des bâtiments est un axe de travail prioritaire. Plus récemment, la crise ukrainienne a prouvé que la reconquête de notre souveraineté énergétique et la refonte de notre urbanisme étaient des leviers essentiels à l’atteinte de la neutralité carbone à 2050. Depuis le début de la crise énergétique, les solutions de géothermie sont plus souvent plébiscitées car actuellement, les sites équipés par géothermie subissent beaucoup moins l’augmentation des factures énergétiques. Grâce à des rendements supérieurs à 400 %, la facture énergétique reste réduite d’un facteur 4 par rapport à d’autres énergies plus conventionnelles. Ainsi, les centres aquatiques (bâtiments les plus impactés par la crise) chauffés par géothermie font partie des centres qui restent en activité malgré la crise. Loin derrière la Suède, la Suisse ou encore l’Allemagne, la chaleur géothermique ne satisfait que 1% des besoins de la France. Avec un parc actuel de 4,7TWh, la PPE fixe une progression significative sur la prochaine décennie. Le parc devrait ainsi atteindre 15TWh d’ici à 2033 avec un potentiel estimé à plus de 100TWh d’ici à 2050.

Vous êtes aussi respectivement Délégué Général et Vice-Président de l’AFPG, Association Française des professionnels de la géothermie. Qu’est-ce que c’est et quels sont vos rôles ?

L’AFPG est une association loi 1901 qui fêtera ses 13 ans cet été et qui fédère plus de 120 adhérents : foreurs, bureaux d’études fluides et géosciences, fabricant de PAC, énergéticien, etc… Son objectif est de créer des outils pour promouvoir le recours à la géothermie. Nous collaborons régulièrement avec les pouvoirs publics pour mettre à profit notre expertise et donner à la géothermie la place qui lui revient au sein du mix énergétique. De nombreux groupes de travail sont en cours et les sujets sont divers et variés : cartographies relatives à la GMI, lancement d’un cluster ville durable, création d’un référentiel pour la formation des foreurs, géoréférencement des installations, clarification du décret sur les stockages souterrains d’énergie calorifique, etc. L’objectif est donc de faire connaître la géothermie au plus grand nombre et de travailler tous ensemble pour faire grandir la filière et augmenter l’offre pour le développement de ce géant dormant des EnR.

Quels sont les leviers pour son développement ?

Nous avons eu le plaisir d’avoir l’annonce le 2 février dernier, d’un grand plan sur la géothermie par Madame la Ministre Agnès Pannier-Runacher. Il y a donc encore beaucoup à faire. Il y a plusieurs axes de développement : le rafraîchissement géothermique permet de traiter le confort d’été sans impact visuel et sonore tout en luttant contre les îlots de chaleur urbain. Le couplage géothermie avec d’autres formes de chaleur permet de développer le stockage inter-saisonnier et améliore les performances globales de l’installation. La mutualisation des besoins chauds et froids par le biais des BETEG : Boucle d’Eau Tempérée à Énergie Géothermique est une solution qui connecte plusieurs bâtiments entre eux, permettant ainsi une optimisation des CAPEX et des OPEX. L’accès au financement par 1/3 des investisseurs est également une prérogative qui permettra de massifier le recours à la géothermie de surface.