Tech talkSMART TECHmar. 02/05/23

Mardi 2 mai 2023, SMART TECH reçoit Jean Cattan (Secrétaire général, Conseil National du Numérique) et Olivier Lascar (Rédacteur en chef, Sciences et Avenir)


Le Twitter version Elon Musk, une future machine à cash… et à désinformation ?

Depuis le 20 avril, pour arborer le fameux badge bleu de certification, les utilisateurs de Twitter doivent souscrire à une formule payante et débourser 8 dollars par mois. Un changement prévu de longue date puisqu’Elon Musk l’avait évoqué lors du rachat du réseau social en octobre dernier. Pourtant ce nouveau modèle pose de nombreuses questions, principalement autour de la désinformation.

L’argent est-elle la seule source de motivation qui a poussé Elon Musk à monétiser les badges de certification Twitter ? 

Racheté il y a six mois pour 44 milliards de dollars, le réseau social aurait vu depuis sa valorisation fondre de moitié, selon un courrier interne rédigé par le milliardaire américain à destination de ses équipes le 25 mars 2023.

« Il y a un aspect économique certain », reconnaît Olivier Lascar, rédacteur en chef du magazine spécialisé Sciences et Avenir. « Elon Musk a payé Twitter très cher et il est à la recherche d’argent frais », explique-t-il, « en revanche, il n'a pas l’obsession de faire de Twitter une entreprise rentable, car c’est avant tout un levier formidable de communication ».

Y avait-il donc urgence à monétiser les badges de certifications de la plateforme, qui représentaient l’un des outils les plus efficaces de lutte contre la désinformation ? 

« La désinformation est présente sur Twitter depuis longtemps et le Twitter d’Elon Musk n’est pas fondamentalement différent de celui que l’on a connu avant lui », rappelle le rédacteur en chef de Sciences et Avenir. « Twitter est un lieu où les extrêmes sont extraordinairement visibles », explique-t-il, « les commentaires les plus clivants sont ceux qui entraînent le plus de viralité car soit on a envie d’aller dans leurs sens, soit on est horrifié et on explique pourquoi ».

Il y a quelques semaines, les badges de certifications permettaient encore de distinguer le contenu émanant d’institutions, de personnalités ou de médias officiels, mais le changement de modèle a complètement rebattu les cartes. 

« La nouvelle formule d'abonnements à la certification permet à la personne qui y a souscrit d’être propulsée et favorisée par l'algorithme », souligne Jean Cattan, le Secrétaire général du Conseil National du Numérique. « Comme à côté de cela, il n’y a pas de mécanisme de modération qui soit vraiment convenable, à ce jour, sur le réseau, on se retrouve avec un système qui promeut de facto davantage un peu plus la haine et les fausses informations », analyse-t-il. 

Toutefois, il est possible que ce nouveau mode de fonctionnement ne soit pas définitif.

« Avec Musk, c’est toujours on teste, on se crashe, on recommence », indique Olivier Lascar. « Twitter va aussi se heurter à la législation, notamment en Europe, car les règles du DSA (Digital Services Act, ndlr) entrent en application et elles imposent une modération des commentaires qui incitent à la haine », ajoute-t-il. « Si Musk ne les respecte pas, il aura de fortes amendes, et Twitter sera interdit sur le territoire européen, et ça il ne peut pas se le permettre »