La grande interviewSMART TECHmar. 03/10/23

Mardi 3 octobre 2023, SMART TECH reçoit Véronique Reille Soult (cofondatrice et présidente, Backbone Consulting)


La grande interview : Véronique Reille-Soult, “L’ultime pouvoir”

Harcèlement, contenus radicaux, fausses informations… Les réseaux sociaux sont aujourd’hui propices aux dérives. Mais ces plateformes font partie de notre quotidien et peuvent aussi s’avérer utiles. Comment se prémunir des risques et profiter du meilleur de notre vie sur les RS ? On en parle avec Véronique Reille-Soult, auteur de « L'ultime pouvoir - La vérité sur l’impact des réseaux sociaux » aux éditions du Cerf.

Les réseaux sociaux sont devenus une composante essentielle, voire omniprésente de la société moderne, et sur les dernières années, le nombre de plateformes a augmenté, comme le nombre d’utilisateurs et le nombre moyen de plateformes où s’inscrit un utilisateur. Les RS ont changé notre vie par leur omniprésence, mais aussi « parce que maintenant, on peut s’exprimer et notre voix peut compter », rappelle Véronique Reille-Soult. Selon la présidente de Backbone Consulting, environ 80 % de la population mondiale est présente sur les réseaux, même si « tout le monde ne s’y exprime pas ».

« Le meilleur et le pire se côtoient sur les réseaux »

Souvent stigmatisé, entre cyberharcèlement, haine en ligne et fake news, le phénomène n’est pas forcément aussi manichéen pour la spécialiste en mesure d’opinion sur internet. « Le meilleur et le pire se côtoient sur les réseaux. Le meilleur parce que cela a été un moyen de libération de la parole sur plein de sujets, à commencer par #metoo. Et le pire, car il y a ces sujets de harcèlement et de cyberharcèlement ». Pour accentuer son apport social positif et minimiser ses risques, il faut davantage de transparence, plus particulièrement pour les algorithmes.

« Vous avez besoin d’algorithmes, il y a tellement de volume qu’il faut une logique de tri, mais on ne sait pas forcément toujours quels sont les critères pour pousser ou non des contenus ». C’est cette opacité qui conduit parfois à des situations individuelles de souffrance, notamment chez les plus jeunes. « On part du principe que la nouvelle génération est réseaux sociaux-native (sic), mais ils ne connaissent pas forcément toutes les règles du jeu ».

Une conséquence négative accentuée par l’effet grossissant des RS sur la notion de réputation. « Sur Instagram, il y a un décalage entre la réalité et ce que les gens montrent, cela fait des dégâts sur les adolescents et surtout les jeunes adolescentes. Votre image vous est renvoyée constamment ». 

Sur les RS, le modèle Donald Trump

Un déficit de maîtrise également présent dans la classe politique, selon Véronique Reille-Soult. « Les politiques sont très présents sur les réseaux sociaux, car ils sont dans une posture de prise de parole, et une logique descendante ». Mais cette logique n’est plus forcément à la page, et beaucoup de politiciens pourraient s’inspirer de Donald Trump, « l’un de ceux qui ont le mieux utilisé les réseaux ». Comment ? « Il a beaucoup écouté, c’est la première chose à faire pour comprendre les préoccupations des gens », notamment en faisant des veilles des grands sujets de préoccupation des lieux où il allait en meeting via les RS. « Ensuite, il modifiait son discours en conséquence et donnait le sentiment aux gens de comprendre ce qui les concernait ».

Un mode opératoire qui peut s’appliquer dans tous les secteurs d’activités et dans tous les pans de la société. « Les réseaux sociaux, c'est le pouvoir de l’opinion, un pouvoir longtemps silencieux, ou en difficulté à se faire entendre. Aujourd’hui, les réseaux sociaux sont une sorte de porte-voix. On est obligé d’entendre cette opinion, de l’écouter. L’opinion peut même s’organiser pour se retrouver en dehors des réseaux, dans la rue, on l’a vu en France sur plusieurs mouvements sociaux. On l’a vu aussi à l’étranger, comment certains peuples se sont organisés ». Même si paradoxalement, ils ne sont pas représentatifs mais « significatifs », car « c’est une petite partie des utilisateurs qui s’exprime, mais une très grande partie qui écoute et regarde ». Et les réseaux sociaux nous rappellent quotidiennement qu’une minorité active « a une influence bien réelle sur l’opinion » de la majorité silencieuse.