Vendredi 13 octobre 2023, retrouvez Brian Kalafatian (Chercheur, Institut d'Etudes de Stratégie et de Défense) et Olivier Lascar (Auteur et rédacteur en chef du pôle numérique, Sciences et Avenir) dans SMART SPACE, une émission présentée par Cécilia Severi Gay.
SpaceX est-il encore le maître du jeu ?
L’Administration fédérale de l’aviation américaine repousse le lancement de la fusée Starship tant que SpaceX ne se conformera pas aux exigences réglementaires. Acteur jusqu’ici incontournable du secteur spatial, l’entreprise américaine montre désormais quelques signes de fragilité. Suffisant pour laisser la concurrence revenir ?
Elon Musk pensait sûrement accélérer le processus, le 6 septembre dernier, quand il a annoncé que sa fusée Starship était prête pour un nouveau décollage. Mais du côté de la FAA (Federal Aviation Administration) c’est la posture de fermeté qui a été choisie. Un premier lancement en avril dernier lui avait en effet valu des critiques, notamment en raison des dégâts environnementaux provoqués. La passe d’armes par communications interposées a des conséquences « extrêmement tangibles » selon Olivier Lascar, rédacteur en chef de Sciences et Avenir : « la fusée qui est sur le pas de tir ne part pas. »
Starship, une empreinte environnementale conséquente
Une immobilité qui tranche avec l’image de sur-actif du milliardaire, forcément impatient de relancer la machine après l’explosion en vol de sa première fusée au printemps dernier. La temporisation de la FAA, pourtant, n’a rien de surprenant pour les observateurs avisés, comme Brian Kalafatian. Le chercheur en politiques spatiales à l’Institut d’Études de Stratégie et de Défense souligne que les standards de l’agence américaine comportent trois grands principes : « la maîtrise de la sécurité, l’examen environnemental et l’intégration au NAS, l’espace aérien national. » Pour le premier lancement de Starship, une enquête de l’agence avait dénombré « 63 mesures correctives » que SpaceX devait traiter avant d’envisager tout nouvel essai.
Olivier Lascar rappelle les conséquences logiques de ce lancement. « Le Starship, c’est la fusée la plus grande, la plus puissante, qui n'a jamais été construite. Jamais l’humain n’a construit un dispositif qui fait autant de bruit, de l’ordre de 190 décibels au décollage. Cela engendre des conséquences dans l’environnement » des populations locales de Boca Chica. Et même au-delà : « sur le premier vol, des nuages de poussière ont été détectés jusqu’à 10 km du lieu du décollage. L’état du pas de tir avait également suscité des questionnements. »
Encore considéré en situation de quasi-monopole hier, SpaceX est désormais « regardé en chien de faïence » par l’acteur public, notamment parce que « le concert médiatique qui a accueilli le lancement du 20 avril a été celui d’un échec ». Parce que la fusée a explosé en vol, ce qui a fait oublier qu’elle avait néanmoins « volé pendant plus de trois minutes et dépassé certaines phases critiques ». Cela devrait faire apparaître la mission comme une réussite dans la logique de « learning period » qui est en vigueur aux États-Unis et qui permet, selon Brian Kalafatian, « aux Américains de rester dans la course avec la Chine ».
L’avenir de SpaceX lié à l’élection présidentielle de 2024 ?
Mais avant de s’inquiéter des progrès du programme spatial chinois, Elon Musk pourrait commencer à considérer les menaces intra-américaines. Un mois après l’explosion de la fusée Starship, la NASA a annoncé avoir sélectionné l’alunisseur de Blue Origin, l’entreprise de Jeff Bezos, pour la mission Artemis 5, laquelle doit amener des astronautes sur la Lune en 2029. L’objectif « est plus de challenger SpaceX » selon Brian Kalafatian, que de le cornériser. D’autant plus que l’entreprise d’Elon Musk, « malgré ses retards sur son calendrier, reste en avance sur ses concurrents » rappelle Olivier Lascar. « L’alunisseur de Blue Origin n’existe que sur papier ».
Le choix de la NASA doit cependant alerter le boss de SpaceX sur les risques de ses initiatives personnelles, notamment sur la sphère publique. « Aujourd’hui SpaceX pourrait payer pour l’ensemble des erreurs que Musk accumule dans la composition de son personnage public. » Notamment son choix de politiser sa posture, et de se revendiquer pro-Républicain. « Si aux prochaines élections américaines, la mandature est républicaine, l’acteur public va continuer à travailler avec SpaceX, dans le cas contraire, on pourrait commencer à voir son déclin. » Make SpaceX great again ?