Vendredi 5 janvier 2024, LE GRAND ENTRETIEN reçoit Ludovic von Neipperg (Directeur technique, Les Vignobles Neipperg)


LES VIGNOBLES NEIPPERG : cinq questions à Ludovic von Neipperg

Les Vignobles Neipperg, une entreprise familiale qui a su remettre en question la vision de la viticulture à cette époque en revenant aux racines de l'art vinicole. Entre tradition et innovation, Les Vignobles Neipperg incarnent l'excellence et la passion du vin. Ludovic von Neipperg, directeur technique, revient sur le parcours exceptionnel de la société.

Quelle est l’histoire de la création de la société ?

Notre famille fait du vin depuis à peu près 800 ans, mais en Allemagne, dans l’actuelle région du Wurtemberg. Mon grand-père est tombé amoureux de Saint Emilion à l’occasion d’un voyage. Il a acquis les premières vignes au Château Canon la Gaffelière et La Mondotte en 1971. Il s’agissait de ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier, car en pleine guerre froide, les choses étaient incertaines en Allemagne. Mon père, arrivé avec ma mère en 1983, a été le premier à réellement gérer ce vignoble, qui depuis s’est étendu, avec l’acquisition du Clos de l’Oratoire et du Château d’Aiguilhe.

Quel est l’ADN de votre entreprise ?

Avant d’accepter de reprendre les vignes, mon père a goûté tous les millésimes de Canon la Gaffelière, des années 80 jusqu’aux années 30. Il s’est rendu compte que les vins étaient fabuleux jusqu’au milieu des années 60. Les vins produits par la suite étaient plats, aqueux, presque passés. Il s’est rendu compte que le passage à une viticulture industrielle à base d’engrais chimique à outrance, d’herbicides et d’insecticides avait détruit la qualité des vins. C’est ce potentiel d’amélioration qui l’a motivé. Aujourd’hui encore, notre ADN, c’est la quête de la qualité. Cela passe par le retour à une viticulture plus artisanale et naturelle.

Quel est votre lien à la terre ?

Nous sommes viscéralement attachés à nos vignes et la terre qui les héberge. C’est un engagement qui transcende les générations puisque cela prend des décennies à réparer un sol vraiment mal en point. Nos pratiques visent à conserver et intensifier la vie dans le sol, car c’est la seule manière de conserver des vignes en bonne santé et productives sur une longue période. Les plus vieilles vignes dont j’ai la chance de m’occuper datent des années 30, c’est 50 ans avant l’arrivée de mon grand-père ! Nous pensons également que les vins gagnent en qualité quand les vignes et les sols sont sains. Nos vins décrivent les lieux où ils sont produits, c’est le concept de terroir. La qualité et la terre sont intimement liées. Quelque part, c’est une bonne nouvelle, notre recherche de la qualité nous pousse à adopter des techniques agricoles plus vertueuses. Nous voulons des sols vivants pour des vins vibrants !

Sur quoi repose votre savoir-faire ?

Notre savoir-faire repose sur l’observation, la mémoire et la transmission du savoir entre les personnes qui se succèdent sur les propriétés. La vigne renaît chaque année, et s’exprime d’une autre manière. Les conditions climatiques sont aléatoires par nature, et ont tendance à l’être de plus en plus. Nous nous souvenons des grands millésimes et nous essayons de réitérer l’exploit, voire de le surpasser. Nous scrutons l’horizon avec des jumelles tout en regardant régulièrement dans le rétroviseur. C’est une sacrée gymnastique ! Nous devons trouver le bon compromis entre tradition et innovation. Le plus compliqué, c’est de s’adapter sans cesse et d’apprendre de ces erreurs. Nous travaillons par ailleurs énormément avec nos sens lors des dégustations. Devenir un dégustateur expérimenté demande énormément de temps et de travail.

Qu’apportez-vous en plus pour vous différencier de vos concurrents ?

Nos consommateurs nous suivent souvent depuis des décennies. Certains m’ont vu en culotte courte courir dans les allées du chai à barrique. Quand le monde marche un peu sur la tête, je pense que les valeurs familiales rassurent, elles incarnent une certaine stabilité. Par ailleurs, nous sommes engagés dans une viticulture Bio depuis longtemps. Bien avant que ce soit cool ! Pour finir, nous exploitons une diversité de terroirs différents. Il y a le Château d’Aiguilhe pour ceux qui cherchent la tension et la puissance, pour ceux qui recherchent quelque chose de plus souple et doux, il y a le clos l’Oratoire, pour les fans de complexité et de profondeur, c’est le Château Canon la Gaffelière, pour ceux qui cherchent la puissance et l’élégance du plateau calcaire, c’est La Mondotte.