Le débatSMART @WORKsam. 06/01/24

Samedi 6 janvier 2024, SMART @WORK reçoit François de Bodinat (CPO, Younited Credit) , Hugo Geissmann (CEO, Thiga) et Xavier Laurent (Directeur de Programme, Groupe Manutan)


Faut-il passer au product management ?

Est-il plus efficace de structurer l’entreprise autour des produits et services qu’elle crée ? C’est l’une des idées clés du product management, une organisation du travail qui se veut garante de la satisfaction client, mais aussi de la mutualisation des savoir-faire. On en parle avec trois professionnels qui ont déjà adopté la méthode.

« On voulait aborder toutes nos productions à partir de la vision de nos clients. Quels sont leurs problèmes, comment peut-on les résoudre ? » Depuis quelques mois, Xavier Laurent vit de l’intérieur la généralisation du « product management » au sein du Groupe Manutan. Une petite révolution que le directeur de programmes du distributeur d’équipements de bureaux explique par la volonté de mieux comprendre la finalité des produits. Mais comme toute révolution qui débute, elle nécessite beaucoup de « convictions » et de pédagogie, car « quand on commence, on n’a pas encore un track record, il faut expliquer en temps réel où on en est, et acculturer l’entreprise à une nouvelle manière de travailler ».

« Regrouper plusieurs métiers et expertises »

Pour adopter un mode « product management » efficace, encore faut-il bien comprendre de quoi on parle. Pour Hugo Geissmann, CEO de Thiga, le product management n’est en soi pas si nouveau. « Le terme chef de produit existe depuis longtemps, historiquement cela porte sur des productions physiques. » Mais avec l’avènement du digital, la pratique du product management a radicalement évolué pour devenir « une vraie discipline », selon le spécialiste des métiers du Produit. Une discipline qui consiste aujourd’hui « à regrouper plusieurs métiers et expertises, par exemples des spécialistes du design, des chercheurs en expérience utilisateur ou encore des profils plus technologiques ». Avec un objectif simple : « créer le meilleur produit pour les utilisateurs ». Ce qui fait dire à Hugo Geissmann qu’il faut « une envie profonde de comprendre les personnes à qui on destine les produits, et aussi une capacité à leur faire évoluer en écoutant les retours des utilisateurs qui l’ont en mains ».

Toutes les entreprises ne sont pas taillées pour faire du product management, le cas du Groupe Manutan démontre que la transition demande temps et efforts. Mais dans certains cas, notamment pour les scale up, le changement d’organisation peut devenir une question de survie. « Il peut répondre à un besoin urgent de mutualiser les compétences et standardiser les produits et services », explique François de Bodinat. Le CPO (Chief Product Officer) de la société de crédit Younited a vécu la transition dans son entreprise, et estime qu’elle a spécifiquement permis de « créer des points de fédération à l’intérieur de l’entreprise, entre services et compétences différentes ». Elle a aussi permis des gains de temps car « on peut répliquer ce qui fonctionne bien sur un produit avec d’autres clients et partenaires », sans repartir de zéro à chaque nouveau projet.

Business first

Mais pour le spécialiste produit de Younited, il faut éviter une idée reçue dangereuse autour du mode « product management » : la satisfaction du client est importante, « mais dans le choix des priorités, c’est la survie de l’entreprise qui est au-dessus ». Et donc « la priorité reste l’impact business du produit, plus que la satisfaction d’un client ». Chez Manutan d’ailleurs, Xavier Laurent l’assure, « nos product managers portent le business avant tout ». D’où l’importance pour Hugo Geissmann d’appliquer certaines règles comme l’utilisation de la data, « qui permet de dépasser le “gut feeling” et de renseigner ses produits avec des informations concrètes et d’objectiver ». 

Certaines méthodes de management semblent plus « product management compatibles » que d’autres. Chez le leader européen du BtoB Manutan, c’est sur le Objectives and Key Results (OKR) que l’on a misé. « Les OKR nous permettent de porter et décliner la stratégie dans toute l’entreprise, que chacun puisse s’y raccrocher », explique Xavier Laurent. « Les OKR créent un langage qui parle au business », abonde François de Bodinat, « cela permet aux équipes produits de mieux cibler les opportunités en vue d’atteindre ces Key Results ».

Pour Hugo Geissmann, « les OKR sont un exemple parmi d’autres de méthodes qui permettent de modéliser une stratégie produit ». Une combinaison pertinente, à l’en croire, si l’on se penche vers les nouveaux enjeux environnementaux des entreprises. « Dans le futur, il va y avoir un lien entre l’écoconception et le product management, cela va devenir indispensable. Surtout pour les produits digitaux, dont on oublie souvent que l’empreinte physique est conséquente. La conception des produits va intégrer une dimension écologique » pour laquelle l’utilisation des OKR pourrait permettre de trouver un équilibre viable entre « l’écoresponsabilité des produits et les impératifs business de l’entreprise ».