LE GRAND RENDEZ-VOUSSMART TECHmar. 06/02/24

Mardi 6 février 2024, SMART TECH reçoit Sarah Rolland (country manager France, Appsflyer) et Jérôme Bouteiller (Fondateur, EcranMobile)


Appli mobiles : un big bang dans l’économie ?

Apparue il y a une quinzaine d’années avec les premiers stores en ligne lancés par Google et Apple, le marché des applications pour smartphone est plutôt jeune. Mais en 15 ans, cette économie a beaucoup progressé puisqu’elle a représenté, selon Data.ai, plus de 171 milliards de dollars de revenus in-App en 2023, et près de 400 milliards de revenus publicitaires. Entre le développement des stores alternatifs permis par le DMA et l’arrivée des objets connectés, ce marché pourrait-il connaître un véritable Big Bang ?

« Selon le dernier calcul de Data.ai, les revenus in-App représentaient plus de 171 milliards de dollars en 2023, seulement pour la partie téléchargement de contenus. » Fondateur d’Écran Mobile, site web spécialisé sur l’actualité du marketing mobile, Jérôme Bouteiller s’amuse à lister des chiffres qui donnent le tournis. « Si on ajoute les revenus publicitaires, c’est 400 milliards de revenus supplémentaires pour le marché des applications mobiles… » Et si on se permet d’aller encore plus loin, « avec les revenus du commerce électronique in-App », le spécialiste du e-business estime entre « 2 000 et 3 000 milliards de dollars en plus » à mettre au crédit du marché des applications mobiles. Conclusion ? « C’est une économie absolument gigantesque », surtout si l’on considère sa jeunesse, une quinzaine d’années.

110 milliards de téléchargements en Chine

Cet écosystème ultra-dynamique a été poussé par les géants américains comme Apple, Google ou encore Meta, dont les applications Facebook ou Instagram continuent d’occuper le haut du panier. Mais l’équilibre des puissances évolue vite dans cette nouvelle économie, si bien que l’hégémonie américaine d’hier est déjà challengée, aujourd’hui, par les géants de la tech chinois. « On peut rappeler que la Chine est le premier marché au monde pour les applications, c’est 110 milliards de téléchargements par an », souligne Jérôme Bouteiller. À titre de comparaison, « c’est beaucoup plus qu’en Inde, 30 milliards, aux États-Unis, 13 milliards, ou au Brésil, 10 milliards ». Quand la France ne pèse que 2 milliards de téléchargements par an.

Paradoxalement, c’est en se penchant sur le marché domestique français que l’on peut se défaire d’une idée préconçue : la Chine ne serait portée que par son marché intérieur. « Sur le marché français, on voit les Chinois devenir extrêmement puissants. Pour la première fois cette année, le numéro 1 des stores en France, c’était Temu, une application chinoise d'e-commerce. » La suite du classement ? « TikTok était numéro 3, CapCut numéro 4, Shein numéro 5… » Seul WhatsApp a fait de la résistance…

Digital Market Act, une nouvelle révolution ?

Selon Sarah Rolland, country manager France de Appsflyer, la montée en puissance de Temu s’explique par la capacité de l’entité à investir « de gros budgets d’acquisitions payantes ». Pour la spécialiste de l’analyse de performance sur les applications mobiles, il y a comme une logique mécanique : « quand une marque fait énormément de campagnes payantes, notamment sur les grands réseaux sociaux, il y a un impact sur ce que l’on appelle l’organique, le bouche-à-oreilles, et ensuite cela booste les téléchargements naturels de l’application ».

Les grands noms américains vont devoir s’y faire, les temps changent, les règles et l’écosystème avec. « En raison de la mise en œuvre en mars 2024 du Digital Market Act, un texte européen, Apple va avoir l’obligation d’ouvrir les téléchargements sur iPhone, ce qui va être une révolution », croit savoir Jérôme Bouteiller. La marque américaine tente déjà de proposer des configurations à même de préserver un peu de statu quo et ses avantages. Ce qui apparaît légitime aux yeux de Sarah Rolland car « Apple est à l’origine d’un écosystème ayant permis une énorme création de richesses ».

Entre les nouvelles contraintes comme le privacy sandbox, les nouvelles pratiques comme les téléchargements alternatifs, les ambitions de nouveaux acteurs ou les futures évolutions comme le rapprochement « entre économies du web et des applications » vouées à se rejoindre, selon Sarah Rolland, le big bang ne fait peut-être que commencer…