LE GRAND DÉBRIEFSMART TECHlun. 03/06/24

Lundi 3 juin 2024, SMART TECH reçoit Michel Combot (délégué général, Numeum) , Maya Noël (directrice générale, France Digitale) et Henri d'Agrain (Délégué général, Cigref)


Élections européennes : quelles sont les attentes de l’écosystème tech ?

Les élections européennes, c’est dans quelques jours ! Et l’écosystème tech français espère bien s’emparer de ce rendez-vous pour réorienter les priorités de l’UE en matière de numérique. Mais alors, l’Europe a-t-elle réellement une chance de devenir un leader compétitif ? On en parle avec Maya Noël, la directrice générale de France Digitale, Michel Combot, délégué général de Numeum et Henri d’Agrain, délégué général du CIGREF.

« On peut faire de la politique autrement que par de seules initiatives législatives et réglementaires. L’inflation réglementaire, ce n’est pas de la politique, il ne faut pas laisser aux techniciens du droit le soin de gérer les enjeux politiques au niveau d’un continent comme l’Europe, qui représente 30 % du marché numérique mondial. » Pour Henri d’Agrain, l’Union européenne est un géant du numérique. Mais un géant endormi par un trop-plein de régulations, selon le délégué général du CIGREF, association des Grandes Entreprises et administrations publiques pour réussir le numérique. Son constat est partagé par Michel Combot, délégué général du Numeum, qui souligne le coût « pour les PME ». Pour lui, le simple cas de l’IA Act, « c’est quelques centaines de milliers d’euros de mise en conformité des procédures internes pour une PME ».

« Passer de puissance de la réglementation à puissance de l’innovation »

Ces évolutions ont quelque chose de positif néanmoins, souligne Maya Noël, directrice générale de France Digitale, à savoir que « les cinq dernières années en Europe ont été marquées par une meilleure compréhension des enjeux du numérique ». Elle cite des textes comme le DSA (Digital Services Act, 19 octobre 2022) ou le DMA (Digital Markets Act, 1ᵉʳ novembre 2022) qui prouvent selon elle « qu’on n’est plus si naïfs par rapport à ce qu’il se passe sur le marché ». Mais pour pouvoir coexister aux côtés des géants américains ou chinois, « il faudrait passer de ce statut de puissance de réglementation, à puissance d’innovation. Il faut se demander comment on permet à nos entreprises innovantes d’avoir accès à un marché facilité ».

Pour Michel Combot, il est nécessaire de laisser les entreprises digérer les nouvelles réglementations, et basculer sur « une vraie politique industrielle du numérique », avec notamment, c’est une proposition de son entité, la création d’un poste de commissaire européen aux start-up, pour que « demain, quand une institution européenne passe une commande, elle puisse plus facilement se tourner vers des start-up ». Une proposition qui a le mérite de mettre le doigt sur un enjeu fort pour l’Union européenne : exploiter tout son potentiel. « On a l’un des plus gros marchés au monde, 450 millions de consommateurs », rappelle Maya Noël. « Le problème, c’est que ce marché est fragmenté en 27 États différents. C’est donc très compliqué pour une entreprise de se sentir européenne, on est avant tout sur un marché national. »

« Il se passe quelque chose… »

Comment opérer la bascule quand, de l’avis d’Henri d’Agrain, « il y a un différentiel de mise en application des réglementations selon les pays, ce qui crée des concurrences intra-européennes qui sont délétères pour le développement des acteurs technologiques ». Tous les acteurs semblent espérer la même chose : des champions du numérique européen capables de profiter de l’intégralité du marché de la zone euro, voire un peu plus loin. Sur la méthode en revanche, les avis divergent.

Pour Michel Combot, il faut singer les États-Unis ou la Chine avec des logiques de filières « dans lesquelles un grand groupe entraînerait tout un écosystème, dont les start-up, derrière lui ». Pour Maya Noël, il faudrait dépasser les limites nationales : « les entreprises se créent avec l’un des 27 statuts nationaux, il faudrait un 28ᵉ statut pour les entreprises qui souhaitent avoir une envergure continentale ». Et du côté d’Henri d’Agrain, il est question de rebooter le logiciel de l’action publique, pour passer « d’une stratégie de soutien de l’offre à une stratégie de soutien de la demande ».

Le délégué général du CIGREF en est convaincu, « ce qui fait vraiment grandir les entreprises, c’est moins l’investissement que la commande. Et la commande publique ne suffira pas à faire vivre un écosystème numérique, il faut aussi stimuler la commande privée ». L’Europe a encore beaucoup de travail pour revenir au niveau de la concurrence, mais Maya Noël se veut confiante. « Il y a encore quelques années, c’était compliqué de recruter, tous les bons profils partaient de l’autre côté de l’Atlantique. Maintenant, ils reviennent, ils sentent qu’il se passe quelque chose... »