Le débatSMART @WORKsam. 15/06/24

Samedi 15 juin 2024, SMART @WORK reçoit Philippe Mallard (Directeur Général de la division Collectivités, Manutan Group) , Mustapha Elouajidi (Directeur adjoint achat et commande publique, Bordeaux Métropole) et Marline Weber (Chargée politique de l’achat durable, Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires)


Collectivités : comment acheter responsable ?

La commande publique doit-elle être le fer de lance de pratiques économiques plus responsables sur les plans sociaux et environnementaux ? Smart @ Work interroge trois acteurs liés à l’univers impitoyable des appels d’offre pour comprendre ce qui existe déjà au sein des collectivités pour des achats plus « RSE ».

À Bordeaux, on n’a pas attendu 2024 pour s’intéresser aux questions environnementales et à l’économie circulaire. C’est du moins l’argumentaire de Mustapha Elouajiji. « La Métropole a une politique d’achat responsable depuis 2006, c’est assez ancien », précise le directeur adjoint achat et commande publique pour Bordeaux Métropole. Aujourd’hui, ce qui se fait en Gironde depuis près de 20 ans est obligatoire dans toutes les collectivités territoriales. « Depuis 2021 et la Loi AGEC, c’est une obligation pour les collectivités d’acheter de la seconde main, des produits issus du réemploi ou comportant des matières recyclées », précise Marline Weber. Chargée de la politique de l’achat durable au ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, elle constate que l’ensemble des acteurs ont pris conscience de la nécessité de pratiques responsables. « Aujourd’hui, l’ensemble de la chaîne de valeurs échange avec nous dans l’objectif de se structurer autour du réemploi de certaines matières et produits. » Tout n’est pas encore au point, « par exemple sur les ordinateurs, le reconditionné existe pour le B to C, c’est encore en construction sur le segment B to B… ». Mais cela avance.

Penser en coût global

Vouloir acheter responsable, c’est bien. Le pouvoir, c’est mieux. Et comme toujours, la vérité économique fait loi : « les deux tiers des collectivités vont d’abord acheter en fonction du rapport qualité/prix », souligne Philippe Maillard, directeur général de la division Collectivités chez Manutan Group. « Dans les appels d’offre, le prix représente encore 67 % du choix, les considérations RSE ne concernent que 20 % des choix. » Mais pour Marline Weber, « ce n’est pas antinomique de privilégier le rapport qualité/prix quand on veut acheter responsable, cela peut être complémentaire ». Elle met en avant la notion de « coût global », pour lequel en amont de l’entrée en vigueur de la Loi Climat et Résilience (1ᵉʳ janvier 2025), le ministère travaille « sur la mise à disposition d’outils » pour le prendre en compte. « Envisager l’achat sous l’angle de son coût global, cela veut dire considérer le prix d’achat, de réparation, de stockage, la gestion des déchets… » 

Plus cher au départ, pas à l’arrivée

Pour Mustapha Elouajiji, il y a aussi une question de maturité des marchés et des filières qui, mécaniquement, facilitera les démarches responsables. « Quand on a commencé à inclure des considérations environnementales et avoir des écolabels dans nos offres, les prix étaient un peu plus élevés. Mais c’était avant l’industrialisation de ce type de produits. Mais une fois que le marché a réussi à s’emparer des produits écolabelisés, les prix ont baissé. L’industrialisation fait que les coûts baissent, car le prix à forte valeur ajoutée devient la norme. » Ce que tend à confirmer une récente étude de l’ADEME sur les bénéfices de l’écoconception. Acheter responsable, c’est globalement un effort collectif, mais aussi une question de bon sens pour Philippe Maillard. « Si vous achetez un produit de meilleure qualité, ou avec une forte réparabilité, même s’il est 10 % plus cher au départ, le prix sur la durée de son utilisation sera peut-être plus intéressant et la collectivité sera gagnante. »