Un mois sans viande bovine d’Argentine

Alors que le pays figure parmi les plus importants exportateurs mondiaux de viande de bœuf, le gouvernement d’Argentine a décidé de suspendre pendant 30 jours ses exportations. 

L’Objectif : contenir la flambée des prix sur son marché intérieur. Ces 30 jours permettent de donner plus de temps au gouvernement afin qu’il trouve des solutions pérennes “visant à mettre de l'ordre dans le fonctionnement du secteur, restreindre les pratiques spéculatives et éviter l'évasion fiscale”, selon le communiqué argentin. Les prix du bœuf ont en effet explosé : de 65,3% en avril 2021 par rapport au même mois en 2020, selon l'Institut de promotion de la viande bovine argentine. La date de début de ces 30 jours n’a pas été annoncée mais selon le journal argentin La Nacion, ce mois d'arrêt aurait pour conséquence la perte 240 millions de dollars pour l'activité.

Les exportations de bœuf du pays en 2020 s'élevaient à environ 3 milliards de dollars, tirées par la demande chinoise, européenne et israélienne. Selon les données de la Chambre de commerce et d'industrie de la viande argentine, les exportations de bœuf augmentent depuis quatre ans et ont atteint un record au cours des deux premiers mois de 2021. Et la croissance ne devrait pas s’arrêter là : selon l’OCDE, la production totale de viande devrait s’accroître de plus de 40 millions de tonnes à l’horizon 2028, pour atteindre près de 364 Mt.

Alors comment expliquer cette hausse des prix ? L’inflation touche dramatiquement le pays, causant une baisse du pouvoir d’achat. Elle est évaluée à 36 % en 2020 après avoir atteint près de 54 % en 2019. À cela s’ajoute une chute de la consommation domestique, qui est compensée par les exportations. La consommation intérieure reste à 50 kg de viande par habitant par an, mais ce chiffre est au plus bas depuis un siècle. Bien sûr, la pandémie n’a pas aidé. L’économie de l'Argentine s'est contractée de 9,9% en 2020, et environ 40% de la population vit dans la pauvreté.

Face à cette décision, les producteurs de viande bovine ont communiqué leur mécontentement. "Le blocage des exportations de viande est une erreur. Un pas en arrière pour le développement et la croissance de l'élevage", a tweeté l'organisation Confédérations rurales argentines (CRA). Pour les producteurs, cette mesure ne va qu’empirer les choses. Interrogé par l’AFP, le président de la Société rurale argentine, Daniel Peregrina, argumente : "Les dommages que va provoquer cette mesure vont diminuer l'offre de viande, ce qui finira par faire monter les prix comme cela s'est déjà vu dans le passé".

Sibylle Aoudjhane