Le cercle RHSMART JOBven. 02/07/21

Vendredi 2 juillet 2021, SMART JOB reçoit Valérie Ohannessian (Administratrice, Fondation Concorde) , Jean-Michel Garrigues (directeur associé, BLB Associés) et Stéphane Marchand (rédacteur en chef du magazine "Pour l'éco")


Congé paternité, vers l’égalité femme/homme ?

En vigueur depuis hier, le 1er juillet, le congé paternité, ou du second parent, s’étend désormais à 28 jours, dont sept obligatoires. Derrière cette mesure, il y a plusieurs objectifs, dont celui de favoriser une meilleure répartition de la charge entre les parents (quotidienne et professionnelle). Instauré en 2002, la France était précurseur sur le domaine, tandis qu’aujourd’hui, les voisins européens ont repris les devants.

Passer de 14 à 28 jours, une réforme assez ambitieuse ? Va-t-elle fondamentalement changer les choses ? Pour Valérie Ohannessian, DG de la Société Française des Analystes Financiers (SFAF) et administratrice de la Fondation Concorde : “On dit que c’est pour favoriser l’égalité femme/homme, on aimerait bien que ce soit à l’année, et je ne crois pas, malheureusement, que ce type de mesures soit très déterminantes dans cet objectif plus que louable. Je pense néanmoins qu’il y a un mouvement de société, que la France, après avoir été pionnière en 2002 a pris du retard, et de ce point de vue-là, on est en train de s'aligner sur les pays européens les plus avancés.”

En Europe, ce sont les pays nordiques qui sont les plus avancés, avec en première position la Suède, qui offre de 12 à 78 semaines pour un congé paternité, selon Statista.

Valérie Ohannessian poursuit : “Il y a aussi une question d’opportunité : c’est une mesure qui va coûter de l’argent (500 millions d’euros), au moment où le déficit de la Sécurité sociale (40 milliards d’euros) est une priorité sociale. C’est une mesure qui a des aspects positifs, mais aussi beaucoup d’aspects négatifs. C’est un choix de société, cela a été voté et le principe, en soi, est louable. Je pense que la mise en application pratique n’est pas très simple du point de vue de l’entreprise et que le moment n’est pas le mieux choisi, mais y-a-t-il un moment idéal pour ce genre de choix ? Je ne sais pas…” s'interroge-t-elle. 

Peut-être pas le bon moment, en pleine crise sanitaire. Les entreprises vont-elles jouer le jeu bien qu’il y ait sept jours de congés obligatoires ? Selon Jean-Michel Garrigues, directeur associé, chargé des RH et du développement chez BLB Associés : “D’abord, elles n’ont pas le choix ! Elles vont être obligées de jouer le jeu !” Il éclaircit : “Ce congé a une particularité assez rare : d’habitude, les congés comme le congé maternité ou congé maladie par exemple, est lié à un problème ou à la survenance d’un fait physique chez la personne qui subit ce congé. La femme qui accouche, le salarié qui est malade ou qui a eu un accident. Là, c’est un congé qui concerne quelqu’un qui est en fait le partenaire de la mère qui a accouché. Et ce congé peut être pris de façon fractionnée avec des modalités compliquées. Cela va être une complexité supplémentaire pour les sociétés mais je pense que c’est plutôt une bonne chose car l’entreprise octroie de plus en plus de congés qui ne concernent pas la santé physique ou morale qui prend le congé.” Valérie Ohannessian ajoute que cela existe déjà pour les décès par exemple. 

Avec sept pères sur dix qui prennent leur congé paternité, la question de la rémunération s’est posée et a été l'argument mis en avant (la partie hors congés de naissance étant indemnisée par la Sécurité sociale). Tous accusent une perte de salaire. Pour Stéphane Marchand, rédacteur en chef du magazine Pour l’Éco : “Une fois de plus, nous sommes confrontés à l’énorme disparité de traitements entre les salariés et ceux qui ne sont pas salariés (libéraux, auto-entrepreneurs…) : à eux, on ne réserve pas grand-chose. On voit de temps en temps poindre un certain nombre de droits pour ces gens-là aussi. Mais il ne vaut mieux pas trop comparer. Au sein du salariat, est-ce une bonne idée ?” se questionne Stéphane Marchand, avant de poursuivre : “Si on en a que sept sur dix qui prennent leur congé jusque-là, ce n’est pas si mal. Parfois, ils ne le prennent pas en totalité pour ne pas perdre de leur salaire ! Les indemnités journalières peuvent aller de 7 euros minimum jusqu’à 89 euros, selon la Sécurité sociale. Je pense que le message envoyé est un message de société qui dit que les pères, les mères, les co-parents, doivent être traités de la même façon. Et les femmes payent cher en salaire le fait d’avoir la maternité à assumer.” conclue-t-il. 

Valérie Ohannessian, DG de la Société Française des Analystes Financiers (SFAF) et administratrice de la Fondation Concorde, Jean-Michel Garrigues, directeur associé, chargé des RH et du développement chez BLB Associés et Stéphane Marchand, rédacteur en chef du magazine Pour l’Éco sont les invités de SMART JOB. 

Pauline Gratelle